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Que lisez-vous, Denis Langlois ?

L’avocat-écrivain s’est pris de passion pour la figure de Gérard de Nerval et un livre d’Olivier Weber

Je fais partie des écrivains qui lisent peu en dehors des domaines qui concernent leurs livres. Dommage, mais les journées ne sont pas élastiques. Le livre dont je vais parler entre donc pour moi dans cette catégorie « utilitaire ». J’ai publié en 2021, un ouvrage Le Voyage de Nerval (La Déviation) qui rappelle le séjour que le poète Gérard de Nerval fit en 1843 au Liban. J’ai moi-même vécu au Liban, surtout dans le Chouf, montagne des Druzes qui pratiquent une religion assez originale pour le non-croyant que je suis. Cela m’a donné à penser que Nerval, mystique à tout vent, avait été profondément impressionné par la religion druze qui mise sur la transmigration des âmes et pense que nous ne mourons pas, puisqu’à notre mort terrestre notre âme passe dans un autre corps et ainsi de suite. Ma conclusion : Nerval n’a peut-être pas voulu mourir en se pendant en janvier 1855 à un soupirail de la sinistre rue de la Vieille-Lanterne, mais au contraire renaître.

Dès le début il rappelle la phrase de Nerval qui, très jeune, l’a poussé vers l’aventure : « Je voyage pour vérifier mes rêves »

Bref, l’autre jour, sur Internet, je repère un livre qui parle de Nerval : celui de l’écrivain-voyageur Olivier Weber qui s’intitule Ma vie avec Gérard de Nerval (Gallimard). Je le commande aussitôt à mon libraire et m’y plonge résolument. Le but de la collection « Ma vie avec… » qui a déjà ciblé Courbet, Colette, Apollinaire, Mauriac ou Marx est évidemment d’amener l’auteur à parler de lui en même temps que de la célébrité qu’il a choisie. Une sorte de compagnonnage.

Olivier Weber a bien sûr respecté la consigne. Dès le début il rappelle la phrase de Nerval qui, très jeune, l’a poussé vers l’aventure : « Je voyage pour vérifier mes rêves ». L’injonction n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Weber l’a légèrement modifiée en « Voyager pour écrire, puis écrire pour voyager » et carrément « Écrire pour rester debout ». Il se hasarde même dans un jeu de mots audacieux mais bienvenu : « Partir avec Marco Polo sur les routes de la soie et revenir avec Nerval sur le chemin de soi ».

Il a appris avec Nerval à « traverser les frontières sans viatique ni visa ». Et, en risquant sa peau, il ne s’en est pas privé : Afghanistan, Kurdistan, Syrie, Cambodge, Amazonie, Yémen, Pakistan, Iran. Impossible de citer tous les pays où il a traîné ses bottes de reporter de guerre ou simplement d’être humain. « En écrivant ses chimères, Nerval a poursuivi ses fantômes, et j’ai à mon tour poursuivi les miens… Un seul navire a permis le périple, celui de la mélancolie ».

Cela donne du gris mais aussi de la couleur, de l’éclatante couleur. Weber sait manier en virtuose le pinceau et la palette. 

Une déception toutefois pour moi : Weber ne parle pratiquement pas du Liban et encore moins de la religion druze. Nul n’est parfait. Mais il sera beaucoup pardonné à celui qui écrit « L’époque contemporaine, au lieu de soigner les fous, en produit pour mieux endormir le citoyen. Les addictions modernes ne sont pas soignées mais encouragées. L’individu est sublimé dans la communication afin d’être davantage assujetti. La camisole est virtuelle, la liberté mise au pilori ». Nerval-Weber, même combat, même voyage dans la poésie qui libère.

Denis Langlois pour Le Caoua des idées


Il vient de commettre La cavale du babouin (La Déviation), un excellent cold case animalier autant qu’une fable philosophique. L’écrivain et l’avocat, pacifiste et humaniste qu’il est tout entier, décortique un fait divers en apparence anecdotique du 30 août 1995 dans l’Essonne : un babouin en fuite est abattu par les gendarmes à Monnerville. Rien d’exotique. La cavale et l’exécution du singe tendent un miroir troublant à notre propre existence. Une expérience de lecture aux frontières poreuses. Du coup, on ne sait plus qui cavale, qui observe, qui s’indigne, qui écrit et qui lit.
Denis Langlois a signé plus d’une trentaine d’ouvrages. Son tout premier ouvrage donne la température d’un caractère, Le Cachot (Maspero, 1967) est le récit de son insoumission au service militaire alors obligatoire. Ses essais, ses enquêtes et ses manuels du temps des années 1970, lorsqu’il était un avocat, se lisent à la lumière d’une époque et de son activité de conseiller juridique de la Ligue des Droits de l’Homme. Ses Dossiers noirs de la police française ou de la Justice, et ses petits manuels civiques à succès, Guide du militant, ou encore Guide du citoyen face à la police ont fait partie des indispensables. L’affaire Seznec et la révision de son procès constituent également une période importante de sa carrière, près de quatorze années à rassembler des centaines de documents, et un livre (Plon) pour l’honneur et la mémoire. Aujourd’hui, du côté de l’Auvergne, Denis Langlois, 84 ans, est toujours avocat honoraire, et toujours prêt à combattre les injustices humaines et animales. E.L  


http://www.denis-langlois.fr

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1 COMMENTAIRE

  1. Plus de vingt ans après, il y a de quoi s’étonner encore. On cherche la beauté, et on la trouve. L’harmonie existe bien entre l’homme et la nature, entre le rêve et le réel, le voyage en hauteur et en profondeur. On ne sait trop ce qu’on apporte ni ce que l’on reçoit. Mais cela vous accompagne, vous aide à vivre et à comprendre. On peut bien sûr se demander ce qui a changé, de ce qui est décrit ou rapporté, de celui qui écrit ou de celui qui lit. On peut songer également à ce qu’il faut préserver. Mais il est inutile, en tout cas, de simuler quoi que ce soit. On finit toujours par savoir et on n’échappe guère à la vérité. Nerval, jadis cité en exergue, disait dans son Voyage en Orient : « Tu ne m’as pas encore demandé où je vais : le sais je moi même ? » La question demeure.
    Préface de Carnet du Ladakh, éditions du Paquet, 2003

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